vendredi 26 juin 2015

Programme estival !

à une semaine des vacances scolaires, il y a déjà comme un petit parfum de farniente dans l'air, non?
Enfin... pas chez nous!
Fin de traduction sur les chapeaux de roues pour moi cette semaine (je ne parle même pas de l'homme qui travaille jusqu'à 4h du mat chaque nuit), projets qui se finalisent, projets qui se montent, deadlines qui se rapprochent...
Heureusement, on voit aussi arriver 2 mois d'accalmie qui vont servir à se reposer (un peu), préparer la rentrée, avancer les projets perso (et autres) à un rythme moins soutenu et écrire, écrire écrire (en parallèle à lire, lire, lire, les deux vont bien ensemble, vous ne trouvez pas ?)
Bref, voici le programme de cet été:

- demain, séance de dédicace à la super librairie Alfabulle de Melesse!
N'hésitez pas à venir, je serai là de 10h à 13h avec plein de livres! (pour me reconnaître, c'est assez facile : des cheveux bleus et un gros ventre !)



-  le samedi 11 et dimanche 12 juillet : ateliers d'écriture pour petits et grands lors du festival 6e Sens, à Saint-Aubin-d'Aubigné...




Amateurs de belles guitares et de bons vins, de musique et de boisson, n'hésitez pas à venir! C'est 5€ l'entrée au salon, participation libre pour les ateliers, c'est l'occasion de se rencontrer, de découvrir des artisans, des passionnés, d'admirer des chefs-d’œuvres... et de noter quelques mots !



Pour plus de renseignements sur 6e Sens, rendez-vous sur le site: http://6esens.eu/
Pré-inscriptions pour mes ateliers possibles en me contactant directement, par mail ou par téléphone.
Vous pouvez aussi vous y inscrire: (https://www.yesgolive.com/sixesens/sixemesens) ou participer à la campagne de financement Ulule pour aider ce joli projet (https://fr.ulule.com/6eme-sens/)

Cet été, il y aura également la relecture finale du quatrième tome de Sainte Marie des Ombres, et la reprise de l'écriture du dernier opus. Et tant qu'à faire, quelques réflexions sur la possibilité d'un spin-off, car certains personnages commencent à me tirer les cheveux en se plaignant de ne pas avoir été assez développés...

Au passage, il y aura un "ploup"! Vous voyez de quoi je parle?
Bon, ben moi aussi, mais c'est le "détail" pour lequel on n'a pas trop de précisions pour le moment, surtout concernant la date !Ce sera la surprise de l'été.

Et après, ce sera la rentrée.
Au programme, il y a déjà deux salons :

- le weekend du 26 et 27 septembre, à Lannion, pour le festival Scorfel!
J'y serai en famille, avec homme, enfant, bébé, livres, escarpins, sourire, tout ça tout ça!
(copyright : Gaboo)


Pour découvrir ce salon, un lien utile :http://scorfel.blogspot.fr/


- et le weekend du 21 et 22 novembre à Chateaugiron, le bien-nommé salon des Enchanteurs...
Je dédicacerai, bien sûr, mais pourrai peut-être aussi vous proposer d'autres activités, encore à finaliser, c'est encore tout récent!
http://www.lesenchanteurs-payschateaugiron.fr/
(vous pouvez même en profiter pour participer au concours de nouvelles organisé par le salon, c'est l'occasion d'user votre plume!)


Et voilà pour le moment!
à très bientôt...

mercredi 17 juin 2015

Nouvelles estivales...

Une longue absence pour cause de travaux, grossesse et travail!
Beaucoup de projets en cours, cela chamboule un planning, surtout lorsque les artisans débarquent à l'improviste, que les deadlines se succèdent et que les idées se multiplient.

Deux petites nouvelles néanmoins:
un grand jeu-concours de la part de Bragelonne, en association avec Amazon, qui peut vous permettre de gagner une liseuse Paperwhite Wi-fi préchargée d'une centaine de livres numériques.
Comme vous pouvez vous en douter, Sainte Marie des Ombres en fait partie, ainsi qu'une ribambelle de beaux - et bons - romans bragelonniens (dont le feuilleton Les Foulards rouges, que j'ai lu récemment et adoré, mais aussi le superbe Lignes de vie et Nom du vent).
Donc n'hésitez pas, pour découvrir les titres, c'est ici :
http://www.amazon.fr/b?ie=UTF8&node=6755327031
Et pour participer au concours, c'est par là:
http://www.ebookmysummer.com/

Et la deuxième nouvelle, c'est la date de parution du T4 de Sainte Marie des Ombres...
Ce sera... Tadaaaa!
Le 23 septembre prochain.
Oui, je sais, c'était prévu avant l'été.
Mais vous savez quoi?
Le planning débordait, le retard s'accumulait, et on a fait le choix de décaler la date plutôt que faire sortir un livre relu à la va-vite ou mal ficelé. Donc, je m'excuse de ce retard, mais c'est pour la bonne cause, et j'espère que le résultat vous plaira!

Voilà voilà...
Sur ce, je retourne couver ma traduction en cours, mon écriture en cours (le T5! le T5!), ma relecture en cours (le T4! le T4!), mon gros ventre (vivement la ponte, j'ai l'impression d'avoir avalé un ballon de basket) et vous dis à bientôt!



mardi 6 janvier 2015

La cabane aux loups. Un conte de Noël... version sainte Marie

Hello, les gens...
J'avoue, j'ai pris du retard.
Le tome 4 de Sainte Marie des Ombres devait sortir en avril, il sortira en juillet, un retard de trois mois dû à quelques problèmes de santé, du boulot, quelques soucis de famille et, au final, une grosse fatigue accumulée depuis des mois, voire des années.

Burn out?
Peut-être.
Mais également envie d'écrire "bien", pas de speeder pour rendre à tout prix un roman dans les temps, et tant pis si la qualité s'en ressent.

Je me suis remise à ce T4 fin 2014, et j'y travaille à présent chaque jour, avec plaisir, motivation (et parfois surprise, car Marie a tendance à ruer dans les brancards de mes synopsis.)
Mais comme j'ai profité des fêtes pour me mettre au vert et réfléchir à des projets, une idée est venue.
Noël.
L'heure des contes, des bilans de fin d'année, des résolutions, des soirées à se dire que l'obligation d'être heureux à tout prix, ça ne marche pas forcément tout le temps.
"L'obligation d'être heureux à tout prix".
C'est par ces mots que commence donc le texte qui a fleuri pendant les vacances, et que je vous propose donc aujourd'hui:
une nouvelle dans l'univers de sainte Marie, qui parle de sa vision des fêtes de famille.

Cette année, dans notre foyer, on a essayé de mettre l'accent sur les cadeaux personnels et le "fait-maison". Donc voici le petit cadeau que j'ai fait, d'abord à Lily qui avait envie de s'exprimer, et aux lecteurs qui attendront le T4 un peu plus longtemps que prévu...
J'espère que ce texte vous plaira.

Kisses
&
Books
&
Bunnies


Cette nouvelle sera bientôt disponible gratuitement sous la forme d'un ebook aux éditions Bragelonne!

La cabane aux loups
ou
Le conte de Noël de sainte Marie...


J'ai jamais aimé Noël.
Obligation d'être heureux, obligation de se faire des cadeaux, de bouffer à s'en faire éclater la panse, le vieux pervers en rouge qui fait sauter les enfants sur ses genoux en échange de cadeaux et les bises entre blaireaux qui se détestent...... Moyen moins quand on n'a pas un rond, pas de toit, pas de gosse ni d'affinités avec les barbus en traîneau, et encore moins de famille.
Enfin, si. Réduite à un chien.
C'est bien pour ça que depuis qu'on est ensemble, on fête Noël à notre façon, Cullan et moi. En nomades. Incognito.
Cette année, on a profité de la fermeture annuelle du parc du Gévaudan pour aller courir avec les loups. Littéralement parlant.
Quoi, vous me croyez pas ?
Bon, OK, je brode un peu. Les loups, y en a pas des masses, et ceux qui vivent dans la réserve ont appris depuis longtemps à éviter les humains. Un peu comme moi.
Mais on en a entendu quelques-uns, c'est déjà pas mal. Par contre, mon concon de caniche monté en graine a trouvé spirituel de rajouter sa voix cassée à leurs hurlements, ce qui a aussitôt déchaîné un choeur de protestations lupines, mais ça lui faisait tellement plaisir que je n'ai même pas eu envie de lui museler le bec avec une culotte sale – comme quoi, ça m'arrive d'en porter, surtout en hiver, ça tient chaud.
J'avais pas prévu de m'arrêter là, en fait. On zonait dans le sud depuis quelque mois, quand j'avais lâché ma kumpania après avoir appris qu'ils comptaient se rendre aux saintes maries – sans façon, j'ai la même à la maison. Je zappais d'un point à l'autre, en alternant les petits jobs de videuse de bar, serveuse de restaurant – ça a duré trois soirs, j'ai fracassé mon plateau de choucroute sur la tronche du plouc qui a osé me palper le coccyx – dépanneuse, déménageuse et livreuse de colis – ou équivalent, mine de rien, le métier est devenu beaucoup moins prisé des chômeurs et étudiants depuis l'avènement des Ombres, et avec mon camion, je peux aller partout et dormir en chemin. Bref, des mois de boulots de merde, de galère de fric et de boîtes de conserve bouffées froides après des heures de route quand, soudain, l'inspiration m'a frappée : la Bretagne. La mer, les légendes, les galettes de sarrasin et le cidre. Surtout le cidre. Ça a fait tilt, j'ai débarqué le squatteur que j'avais accepté de covoiturer de Montpellier à Montélimar – sans passer par Moncuq, même s'il n'avait pas eu la main baladeuse – pour bifurquer sur la première bretelle venue afin de rallier mon but : la picole, la musique et les Bretons bruns aux yeux bleus. Surtout la picole et la musique.
Moins de deux heures de route plus tard, le crépuscule commençait déjà à tomber. Enfin non, pas vraiment le soir. Plutôt une magnifique casquette de nuages menaçants qui m'ont incitée à chercher au plus vite une aire tranquille, de préférence dotée d'un sanitaire ou d'un abri en dur.
C'est là qu'un nouvel éclair de génie – foin de la fausse modestie – m'a frappée. Ou plutôt, un panneau indicateur.
Tellement couvert de poussière et de fientes de pigeon qu'en descendant du fourgon, à moitié la tête dans le cul et les jambes flageolantes d'être restée trop longtemps assise, j'ai failli ne pas le voir et me l'emplâtrer en pleine face. Trois jurons plus tard, Cullan était assis à côté de moi et me regardait d'un air interrogateur, pendant que je fixais la pancarte.
Village de gîtes de Sainte Lucie – réserve naturelle du Gévaudan.
On l'avait fêtée – ou pas – la veille, la sainte Lucie. La coïncidence m'a paru un peu forte.
Et si le panneau était quasiment invisible, c'était également parce que quelqu'un avait pris soin de le masquer derrière un papier autocollant gris translucide, sur lequel avait été gribouillé au feutre – lui aussi, effacé par le soleil – ou la neige, ou la pollution – « fermeture annuelle ».
Et là, séquence admiration, j'ai fait l'addition :
village de gîtes = petit assortiment de bungalows touristiques, souvent dotés d'un chauffage indépendant, de sanitaires autonomes et d'aménagements prévus pour les urbains chatouilleux du popotin et désireux de venir se ressourcer à la campagne sans pour autant se geler les miches ou s'y faire des escarres en dormant à même le sol.
Réserve naturelle = un grand espace verdoyant loin de toute civilisation, en général interdit aux véhicules comme aux chasseurs, regorgeant de bestioles comestibles. En résumé, le dernier endroit où les curieux et les flics iraient chercher une sainte fugueuse en plein hiver.
Fermeture annuelle = plus personne à bord, à part peut-être les propriétaires dans le bâtiment central – et encore, en général, après avoir fait les réparations urgentes, ils préfèrent ne pas végéter dans leur trou paumé où ils ont moisi toute l'année –, donc solitude, tranquillité et intimité garantie.
Autrement dit, le squat parfait pour une nomade sans fric ni plans pour les prochains mois.
J'ai donc dit adieu à la Bretagne, de toute façon, il pleut tout le temps, les Bretons sont tous casés et même les Ombres y sont alcooliques, pour voir si les loups étaient plus accueillants que les humains.
Et ils l'ont été.
Le premier chalet était trop bien verrouillé, et trop proche du corps de ferme principal, tout comme les deuxième et troisième. Les trois suivants, en roche grise et rose, étaient plus intéressants, mais trop au centre de la réserve – impossible de garer le camion à proximité – et visibles de loin si jamais on on avait allumé un feu de cheminée. Par contre, après avoir tourné à pied en lisière du terrain, lampe-torche en main et casque et collier lumineux branchés, Cullan et moi avons fini par repérer notre bonheur. Voire mieux : le pied ultime.
Une cabane perchée.
Si les arbres n'avaient pas été si déplumés, on l'aurait probablement manquée. Nous venions de longer une plaine entre deux collines, où se tenaient les derniers chalets et quelques roulottes, parsemée par endroits de grands cercles vides dénués de toute végétation. Un bref examen de plus près m'avait menée à la conclusion qu'il s'agissait des emplacements où, l'été, avaient dû se trouver des yourtes, comme en témoignaient des plates-formes, des piquets oubliés là et des cendres de feux. Plus loin, nous avions repéré un alignement de sapins devant un bosquet. Je me suis dit que la forêt comportait peut-être d'autres gîtes, plus à l'écart et mieux dissimulés. Voire à proximité d'un cours d'eau – toujours penser à rester à côté d'une source de flotte. Puis, une trouée dans l'enchevêtrement végétal m'avais laissé apercevoir une silhouette trapue accrochée à un nœud formé par trois arbres qui avaient poussé emmêlés ensemble.
Une cabane.
Perchée à plus de dix mètres du sol, et dont l'échelle de bois ne commençait qu'à partir d'une estrade suspendue à mi-hauteur, reposant sur une fourche de branches.
Cullan m'a fixée d'un air mi-interrogateur mi-paniqué.
J'ai fait un signe négatif de la tête.
Oh, non, mon p'tit père. Cette fois, tu vas pas y couper.
Il a lâché un jappement, comme pour me dire « t'es barjo, ma vieille », puis s'est couché au pied des troncs, sur la dalle de granit qui devait encore garder un chouia de chaleur du jour, avec un soupir résigné de chien victime.
Une demi-heure plus tard, pourtant, il était vautré comme un pacha sur un des lits du gîte, tandis que je finissais de monter nos affaires par le hublot de l'unique pièce à l'aide de la poulie obligeamment laissée là par les propriétaires. OK, ils devaient croire qu'avoir enlevé la partie inférieure de l'escalier découragerait toute tentative de squattage. C'était mal me connaître.
Trois cordes – merci le kit de secours du camion – un grappin d'escalade – itou, c'est également très utile comme pied de biche, énucléateur d'agresseur ou ouvreur de boîte de conserve récalcitrante – et un bon quart d'heure d'efforts pour atteindre le palier intermédiaire, et le reste avait été une promenade de santé : la porte ne fermait qu'avec un cadenas basique que j'aurais pu forcer avec la truffe de Cullan, le bas de l'échelle avait été déposé sur la toiture, et le treuil était redevenu opérationnel, pour hisser d'abord le bagage le plus poilu et couinant de tout mon équipement, puis le matos de première nécessité : armes, lumière, vivres.
Comble du bonheur : il y avait bel et bien un poêle au pétrole à l'intérieur. Entièrement nettoyé et préparé pour la reprise de saison, dans trois mois – j'avais pris soin de vérifier les dates de vacances, en arrivant, quand même.
Le crépuscule nous avait trouvés aussi cosy et pépères dans notre refuge qu'un couple de lycéens dans un abri-bus.
Et le lendemain, après une nuit de ronflements interrompus uniquement par les piaillements de la chouette perchée sur le faitage de notre cabane et qui devait protester devant l'intrusion de nouveaux arrivants chez elle, on avait fait le tour des autres gîtes en quête de provisions et d'occupations.
C'est là qu'on était tombés sur notre bonheur.
Le complexe central était vide. Enfin, au sens de « dépourvu d'habitants ». Mais ceux-ci avaient pensé à tout pour le bien-être de leurs locataires : jacuzzi, SPA, bibliothèque, petite salle de sport, peignoirs moelleux, chandelles en cas de panne d'électricité – ou, comme moi, de squatteurs peu désireux d'attirer l'attention en illuminant l'obscurité à des kilomètres à la ronde – et cheminée comportant une belle réserve de bûches à côté.
On a passé les dix jours suivants à se prélasser comme des rois. Sans jamais dormir sur place, trop dangereux. Mais chaque jour, après avoir vérifié que personne n'était revenu ni n'avait laissé de message indiquant une arrivée imminente, on s'est bichonnés façon coqs en pâte. Cullan a même eu le droit de faire un tour dans la baignoire à remous, histoire de se délasser ses papattes endolories et d'un bon shampoing « spécial cuir chevelu sensible ». Il bien aimé le massage, détesté le sèche-cheveux, et adoré l'emmitouflage dans une couverture – une des miennes, faut pas abuser. Et moi, j'ai particulièrement apprécié de dormir avec une bouillotte qui sentait plus les herbes de Provence que le roquet périmé.
Et chaque nuit, de nouveaux compagnons venaient nous rendre visite. Parfois sans bruit, comme ces oiseaux perchés sur la rambarde de notre terrasse un matin, et qui ressemblaient fort à des rapaces. Ou comme ces traces de sabots, fines et délicates, qui indiquaient que quelqu'un avait reniflé notre arbre avec intérêt avant de repartir en larguant, au passage, quelques crottins au pied de notre corde. Puis d'autres avaient résonné. D'abord au loin, quelques jappements qui avaient tiré Cullan de son sommeil avec un air inquiet, mais qui ne s'étaient pas rapprochés. Puis des couinements et des hurlements, un peu plus près, qui s'étaient mêlés aux ululements de la chouette sur notre toit avant de la faire taire quand, la veille de Noël, ils avaient retenti à peine à une centaine de mètres de notre cabane, peu avant l'aube.
Quand on était allés vérifier le camion – garé entre la barrière du terrain et un alignement de buissons, où personne ne pouvait le voir depuis la route –, on avait trouvé des traces de pattes, au moins une dizaine de bestioles, tout autour, ainsi que quelques marquages odorants que mon pépère s'était empressé de recouvrir de son propre parfum. Les loups étaient venus inspecter notre véhicule et indiquer que l'endroit leur appartenait.
Nous n'avions pas l'intention de le leur voler ni de les emmerder à domicile, et sans doute l'avaient-ils compris, car peu à peu, ils s'étaient rapprochés jusqu'à ce que nous entendions leur complainte résonner au pied de notre arbre, sans qu'elle recèle la moindre nuance menaçante.
Ils nous signalaient leur présence. Revendiquaient les lieux.
Cullan leur a fait savoir que si on n’allait pas leur disputer le territoire, ils n'avaient pas intérêt de leur côté à nous chercher des noises dans notre gîte – en même temps, comment auraient-ils fait pour grimper jusqu'à nous – et je l'ai fait taire d'une claque amicale sur son crâne dur avant de le serrer contre moi pour me rendormir de plus belle, bercée par les nouveaux hurlements qui s'éloignaient.
À l'aube, on a découvert qu'ils nous avaient laissé la carcasse à moitié bouffée d'un lapin en guise de cadeau de bienvenue. J'avoue, le présent me tentait moyen, mais Cullan n'en a fait qu'une bouchée.
Le lendemain, c'était Noël.
Et tu parles d'un réveillon qu'on a fait !
Je me souviens avec émotion du premier que j'ai passé avec Cullan : à peine le toutou remis de la course dont je l'avais sauvé, on était partis pour notre premier trip en solo et, perdus en pleine cambrousse, on avait festoyé d'une biche qui avait trouvé spirituel de venir fracasser le pare-choc du fourgon. La carrosserie avait morflé, la bestiole encore plus, mais une fois le travail gore effectué, on avait eu à manger pour trois jours, et même de quoi en donner aux fermiers qui nous avaient hébergés pendant la grosse tempête qui avait suivi.
Celui de l'année dernière avait été moins gratiné : on était dans une kumpania pas trop pourrie, et les festivités de fin d'année avaient été prétexte à une bamboche assez classique, avec musique, danses, popote en commun – j'avais participé en offrant le produit de ma chasse, à savoir deux lapins et un marcassin à qui Cullan n'avait bouffé qu'un cuissot – et binouze à flots. J'avais atterri avec un p'tit gars plutôt mignon et assez propre, mais tellement bourré qu'il s'était endormi tout habillé à côté de moi. Conclusion, il avait fini éjecté sur le panier de Cullan tandis que celui-ci regagnait avec satisfaction sa place habituelle avec moi. Personne ne s'était plaint, à part mon invité qui s'était réveillé, le lendemain, avec une gueule de bois carabinée et une amnésie assez partielle. Générosité de Noël oblige, je l'avais laissé croire qu'il avait fait tout ce qu'il voulait avec moi et l'avais viré de mon camion presque poliment.
Mais cette année...
Vous n'imaginez pas les vivres qu'un gîte trois étoiles peut détenir dans sa cambuse. Les proprios avaient vraiment dû tout prévoir pour pouvoir redémarrer à la belle saison sans devoir regarnir les étagères au dernier moment.
Enfin, ils n'avaient juste pas pensé que je passerais par là.
Conserves de produits régionaux.
Foie gras maison, pain d'épice, fromages affinés et confitures odorantes.
Petits plats de luxe congelés dans leurs cassolettes individuelles.
Vins liquoreux, champagne et gâteaux en forme de cœur.
Viennoiseries « prêtes à réchauffer » et sachets de café, thé et, comble du bonheur, du chocolat.
Il y avait même des biscuits pour chien et des paniers en osier doublés d'un tissu brodé d'une tête de loup pour transporter nos victuailles.
J'avoue, je me suis gavée à en éclater.
Cette fois, ç'a été un vrai réveillon.
Pas à en exploser, ni à en dépouiller totalement nos aimables hôtes.
Juste de quoi passer, pour la première fois de notre vie commune – et quasiment pour la première fois tout court – une période sans crever la dalle, sans faire la grimace devant une énième boîte de pâté lapin-légumes verts-calcium, sans tirer la tronche autour d'une tablée d'inconnus dans un bouge pourri où, sou prétexte de fête, la galette complète avait triplé de prix.
Histoire d'avoir la conscience tranquille, j'ai profité de notre séjour pour faire quelques réparations dans notre nid d'amoureux. La fuite dans le toit a disparu. Le poêle a été doté d'un casier en bois dissimulant son ventre bombu de pétrole derrière de belles planches poncées à la main. J'ai déposé dans les étagères du gîte quelques livres que j'avais lus à vingt-mille reprises et qui m'encombraient, et dans le congélateur format industriel le résultat de nos longues promenades quotidiennes et du besoin de chasser de Cullan – c'est fou le nombre de bestioles suicidaires des environs, malgré la présence des loups.
Noël, c'était hier.
Et pour la première fois, Cullan et moi l'avons savouré.
Sans s'envoyer des bisous, sans s'offrir de cadeaux, aller à la messe – manquerait plus que ça – se coller une crise de foie ou dégobiller partout – plutôt dangereux d'être bourré quand on est à dix mètres du sol. Mais un Noël serein.
Un bon souvenir à garder au chaud dans le cœur pour les prochaines galères à venir.
Parce qu'il y en aura, je le sais.
Mais cette nuit encore, les loups nous ont chanté leur sérénade, comme si eux aussi accueillaient ce moment de paix loin des hommes. Comme si, nous aussi, faisions partie des lieux. Je me suis toujours trouvée plus proche des animaux que de mes congénères, et je crois qu'ils l'avaient senti. Nous étions adoptés.
Et ce matin, quand on a éteint les lumières et ouvert les volets, le ciel également nous avait fait un présent.
Adieu les Dévorantes, adieu les ombres et les reliefs. Adieu l'herbe, les pierres, les buissons et les couleurs.
Le monde entier avait disparu sous un linceul immaculé, le plus beau, le plus rassurant qui puisse exister depuis que le noir est devenu notre ennemi, depuis que l'obscurité a une faim de loup. Ou d'ogre.
La neige.
Où seules se démarquaient, en longues files, les traces des loups qui avaient veillé sur nous pendant la nuit.
Et cette fois, on a décidé de partir à leur suite, voir où leurs pas nous porteront jusqu'à ce soir.
Alors les emmerdes, venez pas nous chercher aujourd'hui. La sainte est en vacances, son clebs est aux abonnés absents, et le premier qui s'avise de nous faire chier avant la rentrée, on lui envoie nos nouveaux copains aux trousses.
Et si on croise un rennes, on le bouffe et je fais monter ses cornes sur le capot du van en guise de trophée.

À bientôt, mes lapins.


Cette nouvelle sera bientôt disponible gratuitement sous la forme d'un ebook aux éditions Bragelonne!